Projets principaux

Arpentor Studio

Notre société, cofondée avec Alexis, a stagné cette année. Nous sommes toujours deux, même si nous avons été trois à deux moments dans l'année, avec Aurélie au sound design en début d'année puis Agathe au UX / UI design pendant deux mois. Nous n'avons quasiment aucune entrée d'argent, nous ne nous payons pas, et avons également réduit au minimum les dépenses de fonctionnement pour tenir le plus longtemps possible.

Mécaniquement, la gestion du studio m'a demandé moins de temps cette année. J'ai dû faire un dossier de demande de solde pour une subvention de la Région, plusieurs itérations sur le budget de Dawnmaker pour des négociations (qui n'ont malheureusement mené à rien) avec un éditeur, et l'entretien administratif mensuel — envoyer les factures à notre expert-comptable, essentiellement.

La principale erreur sur laquelle j'ai appris, et redressé la barre, en 2023 porte sur la stratégie d'édition de notre jeu. Depuis début 2022, nous avons établi une feuille de route qui implique l'arrivée d'un éditeur, partenaire qui prend en charge le financement et la publication de Dawnmaker. C'est, je crois aujourd'hui, une erreur, a fortiori dans le contexte actuel de l'industrie du jeu vidéo : les éditeurs traversent une période de disette financière, liée à de nombreux facteurs — bulle financière de 2021 suite au COVID et à la forte augmentation des habitudes de jeu, de nombreuses très grosses sorties en 2023, décalées là aussi à cause du COVID, qui ont phagocyté les ventes de jeux indépendants, et bien sûr les taux d'intérêts bancaires qui ont explosé. Résultat, en 2023, les éditeurs sont frileux et il est devenu très difficile de leur vendre son jeu.

Baser la stratégie financière de son entreprise sur l'apport d'un partenaire externe, sur lequel nous n'avons aucun contrôle, me paraît donc un risque énorme. C'est pourtant la stratégie de l'immense majorité des studios de jeu vidéo aujourd'hui, pour une raison très simple : ça coûte très cher de produire un jeu vidéo ! De notre côté, nous avons la chance aujourd'hui de pouvoir travailler sans salaire, grâce notamment au RSA. C'est cependant une situation qui n'est ni enviable, ni viable sur le moyen terme.

Face à tous ces éléments, j'ai décidé de modifier notre stratégie pour Dawnmaker. Nous ne planifions plus le fait de trouver un éditeur. Notre plan principal, désormais, est de sortir le jeu nous-même (en « auto-édition »), dans un délai qui nous permet à la fois de le mener vers une qualité satisfaisante pour un produit commercial, et de ne pas nous couler financièrement. Nous avons donc deux échéances : début mars, nous devons avoir terminé la vertical slice du jeu, une version qui contient tous les systèmes du jeu mais avec une partie seulement de son contenu. C'est un produit de très bonne qualité, proche de l’état final attendu, et qui est donc représentatif de ce qu'on veut faire. On se donnera ensuite environ trois mois pour chercher à nouveau un éditeur, tout en menant une campagne marketing et en ajoutant quelques améliorations au jeu en fonction des retours de nos testeuses et testeurs. Si courant mai nous n'avons pas sécurisé de financement, nous sortirons alors le jeu nous-mêmes — très probablement fin juin. Ce sera une version « amputée » du jeu, loin du contenu que nous souhaiterions avoir, mais une version malgré tout fonctionnelle et de qualité professionnelle. Et bien sûr, si un éditeur s'engage sur notre jeu et le finance, nous reprendrons le plan secondaire, qui consiste à faire une vraie phase de production, recruter quelques personnes en plus, et sortir, probablement début 2025, une version complète du jeu.

En conclusion, Arpentor Studio avance, mais c'est difficile. 2024 sera une année décisive pour le studio, avec soit l'arrivée d'un éditeur pour notre premier jeu, soit sa sortie. Dans tous les cas, ça devrait faire entrer de l'argent dans l'entreprise, ce dont j'ai hâte !

Dawnmaker

Le projet Cities of Heksiga a changé de nom et s'appelle désormais Dawnmaker ! J'ai passé l'essentiel de mon année 2023 à travailler dessus, sur trois aspects principalement : la programmation, le Game Design — la conception des règles du jeu et de son contenu — et le marketing.

Dawnmaker a beaucoup changé pendant cette année. Le jeu est passé d'un rendu 2D très (très) basique à un rendu en 3D en début d'année, puis est revenu vers la 2D pendant l'été. Le passage du jeu vers la 3D était prévu de longue date, mais s'est avéré être une erreur. Quasiment tous les éditeurs à qui nous avons montré le jeu nous l'ont fait remarquer. La question qui nous a fait revenir en arrière a été : « quelle est la valeur ajoutée de la 3D pour le jeu ? » On a eu bien du mal à y répondre…

Nous avons donc fait machine arrière — pas vraiment, puisque j'en ai profité pour coder tout le rendu avec une nouvelle techno optimisée pour la 2D. Grand bien nous en a fait : le jeu est vraiment beaucoup plus beau maintenant ! Il tourne également mieux sur ma machine vieillissante, ce qui est un bon signe pour le sortir sur téléphones portables. J'ai aussi amélioré notre éditeur de contenu pour qu'Alexis soit le plus autonome possible sur l'intégration des assets des bâtiments.

Voici une petite fresque de la progression du jeu en 2023 :

En janvier

En mai

En novembre

Au delà de l'aspect graphique, nous avons ajouté beaucoup de contenu (une quarantaine de nouveaux bâtiments, une vingtaine de nouvelles cartes), des mécaniques importantes (notamment une boucle de progression à la roguelike), et beaucoup de choses pour améliorer la jouabilité du jeu (de nouvelles interfaces, notamment grâce aux contributions de Menica Folden, du drag&drop pour jouer les cartes, des petites animations un peu partout… ).

Comme annoncé dans ma retrospective 2022, Dawnmaker a énormément progressé cette année, et il est passé d'un prototype à un vrai jeu vidéo. Il reste cependant encore beaucoup de choses à régler : la boucle de progression n'est toujours pas fonctionnelle, il n'y a aucun accompagnement à la prise en main pour les nouveaux joueurs, il faut retravailler encore une grosse partie de l'interface du jeu… Et tout ça, idéalement pour mars 2024 ! Autant vous dire que : c'est chaud. Mais la sortie du jeu approche, et ça, ça fait plaisir ! Peut-être que vous pourrez acheter Dawnmaker en 2024 ?

Projets secondaires

Souls

Comme l'année dernière, je n'ai quasiment pas eu l'occasion de toucher à Souls, mon vieux projet de jeu de cartes compétitif. Mais : « quasiment », car oui, je l'ai tout de même ressorti de sa boîte, et j'en ai fait une partie. Ça été l'occasion de me remémorer là où j'en étais, et surtout tous les défauts de la version en cours. Je ne travaille toujours pas activement dessus, mais j'ai bon espoir de m'y remettre un peu en 2024.

Blog

En début d'année, je me suis mis l'objectif de publier 6 articles sur ce blog, un tous les deux mois. L'objectif est presque atteint : j'en ai publié 5.

La majorité de ces articles est en anglais, car ils ont également servi de contenu pour la newsletter d'Arpentor Studio, lancée cette année.

J'ai eu un peu de mal à me lancer dans l'écriture régulière, mais je me suis créé un système en cours d’année — en gros, un rappel tous les deux mois — et depuis, je m'y tiens correctement ! J’ai bon espoir de continuer sur ce rythme en 2024, pour continuer à partager avec vous mes expériences.

Autres jeux

En 2023 j'ai enfin rejoint une association locale de créateurs de jeux, la Compagnie des zAuteurs Lyonnais (CAL). C'est un groupement informel d'auteurs et autrices de jeux de société, qui se réunit dans les bars à jeux lyonnais régulièrement. Ce fût l'occasion pour moi d'enfin entrer dans ce milieu, de tester des prototypes très chouettes, et surtout de montrer les miens, de prototypes. Parce que oui, j'ai malgré tout continué à travailler, épisodiquement, sur des protos de jeux.

Le premier a pour nom de code « Little Brass Imhotep », car il est conçu pour être à la croisée des expériences de jeu de Little Town, Brass: Birmingham et Imhotep: The Duel. Le concept central est le suivant : il y a un plateau de 5 par 5 cases, sur lequel les joueurs vont construire des bâtiments. Ces bâtiments peuvent être activés pour donner des ressources ou des points de victoire. Les joueurs disposent d'ouvriers, qu'ils vont placer à l’extrémité d'une ligne ou d'une colonne, et ce faisant vont activer tous les bâtiments de la ligne ou colonne. Construire un bâtiment permet de marquer des points de victoire et de créer ou d'améliorer un moteur, mais donne aussi des opportunités à l'adversaire de l'exploiter.

Les premiers playtests ont fait apparaître de nombreuses lacunes dans le système de jeu, notamment une trop grande symétrie sur les ressources et les effets qui rend la mécanique principale, construire des bâtiments, peu attirante. Le prototype en est pour l'instant resté là.

Mon second prototype de l'année est né de la volonté de croiser l'expérience d'un draft de Magic — probablement mon expérience de jeu préférée — avec le cycle de feedback très court d'un autochess. La première version du jeu, nom de code « Cube Light » (oui je sais je suis nul en noms), donne ceci : sur une table de 8 joueurs, chacun⋅e reçoit un deck de 4 cartes (les mêmes pour chaque personne), puis va commencer à drafter des paquets de 4 cartes. Ensuite, chaque joueur se constitue un deck de 7 cartes, en jetant une de ses cartes. Puis on joue un match en 1 contre 1 : chaque joueur pioche trois cartes, puis simultanément va répartir ses 3 cartes, face cachée, sur trois lieux disposés au milieu de la table. Une fois les cartes placées, on les dévoile chacun son tour. Bien sûr, chaque carte a des effets variés, de même que les lieux, il faut donc placer ses cartes au bon endroit, et anticiper les prochaines cartes que l'on piochera, pour créer des combinaisons puissantes. À la fin du deuxième tour, la manche est terminée, et on compte la puissance cumulée des personnages joués sur chaque lieu. Un joueur qui a strictement plus de puissance que son adversaire sur un lieu contrôle celui-ci, et le joueur qui contrôle le plus de lieux gagne la manche. On recommence ensuite une nouvelle phase de draft, en ayant changé les places des joueurs. On construit un deck de 10 cartes, on fait une manche en trois tours. On répète ça sur 4 manches, et à la fin de la dernière manche le joueur qui a le plus de points de victoire remporte la partie !

Je me suis rendu compte, pendant que je produisais ce prototype, que ça se rapproche énormément de Challengers, un excellent jeu sorti en 2022, et dont le pitch est assez proche du mien — reproduire l'expérience d'un autochess en jeu de plateau. Mon objectif cependant est d'avoir une expérience plus proche de celle de Magic, c'est-à-dire d'avoir plus de décisions stratégiques, à la fois pendant le choix des cartes (la phase de draft) et pendant les manches.

Le premier playtest a laissé apparaître de nombreux axes d'améliorations, mais le cœur du jeu fonctionne bien et constitue une base solide. J'espère prendre du temps cette année pour reprendre ce prototype et en faire un jeu fun, au moins pour mon groupe de joueurs de Magic.

Mes recommandations de l'année

Et voilà pour le bilan de mon travail sur 2023 ! C'est l'heure de terminer ce bilan par une partie plus fun. Cette année à nouveau, j'aimerais vous partager les quelques découvertes culturelles que j'ai le plus appréciées ces douze derniers mois.

Mon jeu vidéo de l'année

2023 a été une année pauvre en jeux vidéo pour moi. Peut-être est-ce le fait de passer mes journées à travailler sur un jeu qui m'empêche d'apprécier pleinement les autres ? Peut-être est-ce parce que j'ai utilisé beaucoup de mon temps de jeu à étudier des jeux en lien avec Dawnmaker ? Ou bien est-ce un simple concours de circonstances qui fait qu'aucun jeu ne m'a vraiment happé, ou marqué, cette année ?

Quoi qu'il en soit, le meilleur jeu auquel j'ai joué cette année est Baldur's Gate 3. Je suis un immense fan des deux premiers titres, sur lesquels j'ai passé énormément de temps étant ado. J'abordais le troisième opus avec beaucoup d'appréhension, mais il ne m'a pas déçu. Le jeu donne vraiment la sensation de jouer à un Baldur's Gate pur jus, mais moderne. Certains personnages sont très attachants, l'histoire est prenante, et le contenu est gigantesque. C'est presque le seul vrai point noir pour moi d'ailleurs : je n'aime pas passer à côté de quelque chose dans un jeu, du coup j'ai passé trop de temps à tout fouiller. Et je sais que j'ai malgré ça raté des tas de choses, parce que le jeu est ainsi conçu.

Bref : Baldur's Gate 3 mérite son titre de Game of the Year.

Mes jeux de plateau de l'année

Trop difficile de choisir un seul jeu cette année, alors en voilà deux : Spirit Island et Brass: Birmingham ! Deux gros jeux, dans lesquels il faut beaucoup réfléchir, l'un coopératif et l'autre compétitif.

Spirit Island, jeu coopératif donc, vous met dans la peau des esprits protecteurs d'une île qui se fait envahir par des colons. Chaque esprit a un gameplay différent, des capacités spéciales, et un lot de cartes de départ uniques. En solo ou avec vos alliés, vous devez développer vos ressources (gagner plus d'énergie pour jouer vos cartes, obtenir de nouvelles cartes plus puissantes… ) et utiliser vos cartes pour détruire les envahisseurs, les empêcher de construire des villages ou des cités, et de répandre la désolation sur votre île luxuriante. C'est vraiment un jeu excellent, dans lequel chaque tour est un gros puzzle à plusieurs, où il y a des interactions entre les capacités des joueurs. Et bonus : sa complexité limite assez fortement l'effet « joueur alpha », quand un joueur dirige tous les autres.

Brass: Birmingham, à l'inverse, est un jeu compétitif dans l'Angleterre de la révolution industrielle. Pur jeu de gestion, il faut y construire des bâtiments — mines de charbon, fonderies, usines, manufactures… — pour développer ses ressources et marquer des points de victoire. On y construit également des canaux ou chemins de fer, on y vend des ressources, et on s'adapte aux cartes de sa main pour se positionner sur la carte. Il y a un gros aspect planification qui est contrebalancé par l'importance d'être opportuniste par moment. Ce n'est pas le jeu numéro 1 sur boardgamegeek pour rien !

Ma BD de l'année

The Nice House on the Lake, tomes 1 et 2, gagnent la palme d'or de la BD 2023 ! C'est un comic — une bande dessinée américaine — de science fiction, un huit clos qui démarre très simplement et tourne, très rapidement, vers quelque chose d'angoissant. Il y a des interludes qui montrent un futur dramatique, un personnage très énigmatique qui est au centre de l'intrigue, des enjeux qui se développent progressivement pour atteindre une ouverture, à la fin du tome 2, qui donne vraiment envie de lire la suite ! Difficile d'en dire plus tant tout le plaisir de la lecture se trouve dans la découverte de cette intrigue, mais grosse recommandation de ma part.

Mon livre de l'année

Chose incroyable, en 2023, mon livre préféré n'est pas une fiction, mais un livre de productivité : How to take smart notes. L'auteur y présente une méthode de prise de notes créée par le sociologue Niklas Luhmann. La méthode est simple, mais demande une certaine assiduité pour qu'elle développe tout son potentiel. En résumé : prendre des notes temporaires, constamment, puis régulièrement les transformer en notes « permanentes », des notes autosuffisantes, rédigées, et surtout systématiquement mises en lien avec d'autres notes. L'idée est de se constituer une base de notes, qu'on relit régulièrement, en suivant des liens et surtout en en créant de nouveaux à chaque fois que c'est pertinent. C'est à la fois une manière de mieux apprendre, en se forçant à écrire ce qu'on apprend et les idées qu'on développe, et à la fois une manière de structurer sa pensée et d'articuler ses idées, pour les transformer et en faire des outils novateurs et impactant.

Conclusions sur l'année 2023

Bon, ben, quelle année bizarre — comme prévu. Bosser aussi longtemps sur un unique projet, ou presque, c'est éreintant. Heureusement, on a pu montrer du concret au cours de l'année, grace notamment à notre serveur discord et à la newsletter que j'ai lancée. Mais à l'heure du bilan, l'impression que rien n'a avancé est vraiment forte, bien que totalement fausse. Fin 2022, je déclarais que j'avais encore beaucoup d'énergie, là, je dois avouer que c'est moins le cas. Je compte sur cette année 2024 pour chambouler un peu tout ça et me rebooster !

Sur ce, je vous remercie chaleureusement de m'avoir lu, je vous souhaite une très bonne année 2024, et je vous dis à bientôt sur ce blog pour une grande annonce sur Dawnmaker !