Projets principaux

Arpentor Studio

Mon projet principal en 2022 a évidemment été le studio de jeu vidéo que nous avons créé avec Alexis. J'ai raconté l'essentiel de l'histoire dans mon billet Starting a Games Studio [en], mais je voudrais revenir ici sur d'autres aspects de cette aventure, notamment sur certaines erreurs que nous avons faites.

En début d'année, nous avons rejoint l'incubateur Let's GO, porté par l'association régionale Game Only. Ce fût une excellente décision que de postuler, ce programme nous a apporté énormément de connaissances, de contacts, d'opportunités, et puis des bons moments de fun aussi ! Mais ça nous a mené à faire une erreur fondamentale : nous nous sommes laissés porter par les connaissances qu'on nous livrait, sans nous demander si c'était vraiment pertinent de s'en servir à ce moment-là.

Concrètement, nous avons modifié notre plan initial. Nous voulions nous concentrer sur la création d'un jeu relativement rapidement, entre un an et un an et demi. Entraîné par les formations, notamment sur les financements, nous avons révisé ce plan pour le faire grossir, impliquer plus de gens, dépenser plus d'argent pour pouvoir en demander plus, etc. Ce changement de stratégie a eu plusieurs conséquences :

  1. Nous avons passé énormément de temps à faire des dossiers de financement, des pitch decks et autre documents de recherche d'argent, et pas assez à travailler concrètement sur notre jeu. Nous avons du coup pris beaucoup de retard sur la production de celui-ci. Hors sans jeu un minimum abouti, sans une vraie démo qui montre notre savoir-faire, impossible d'espérer signer un contrat avec un éditeur — ce sans quoi nous ne pourrons de toute manière pas terminer notre jeu.
  2. Nous avons anticipé sur l'arrivée de financements qui, il s'avère, n'étaient pas aussi faciles à obtenir que prévu. Nous avons commencé à nous rémunérer Alexis et moi, nous avons recruté une employée, nous avons engagé des frais de déplacement sur des salons… Le fait de n'avoir pas obtenu le principal financement public sur lequel nous comptions nous a mis face à une situation qui aurait pu devenir critique : la faillite. Heureusement pour nous, nous avons su nous rattraper suffisamment tôt. Malheureusement, ça impliquait de nous séparer de notre employée, d'arrêter de nous salarier, et de réduire nos frais dans le futur.
  3. Nous avons fait grossir notre jeu, ajoutant de nombreuses fonctionnalités, jusqu'à atteindre un point où j'estimais qu'il nous aurait fallut une équipe de plus de 10 personnes pendant un an et demi pour réussir à finir le jeu. Là aussi, nous avons su largement réduire la taille du jeu et revenir à quelque chose de plus raisonnable pour nous, sans (trop) compromettre la vision que nous avions.

Cette année a du coup été éprouvante pour moi, à faire un peu les montagnes russes : on a passé une partie de l'année à rêver d'une grosse production, de financements faramineux, de faire un jeu très ambitieux. Et puis le parpaing de la réalité s'est écrasé sur la tartelette aux fraises de nos illusions, et il a fallut revenir à des choses plus raisonnables, prendre des décisions difficiles, faire du mal à des gens.

Malgré tout ça, ou grâce à tout ça, j'ai énormément appris en 2022 : sur la production d'un jeu, la stratégie d'entreprise, le recrutement, les relations avec les éditeurs… Le timing n'était pas toujours le bon pour apprendre ces choses-là, mais je sais qu'on s'en souviendra le moment venu, et que ça n'aura pas servi à rien. L'essentiel, comme me disait récemment un grand homme, ce n'est pas de ne plus faire d'erreur : c'est de toujours faire de nouvelles erreurs.

Si je devais recommencer demain, je ferais en sorte de garder ce plan de commencer petit, et de grossir tout doucement. Commencer par faire quasiment des jeux de Jams, en quelques jours seulement, puis faire un jeu en un mois, puis en deux, puis en quatre, etc. L'idée étant de monter en compétence doucement mais sûrement, sur toute la chaîne de production d'un jeu vidéo, et de se faire connaître en sortant régulièrement du contenu. C'est un modèle qui a bien fonctionné pour d'autres studios, et qui me semble vraiment sain pour quelqu'un comme moi qui n'a pas 10 ans d'expérience dans l'industrie. C'est aussi, je crois, une bonne manière de créer une entreprise financièrement stable dans ce milieu difficile.

Pour conclure, Arpentor Studio va bien. En fin d'année, nous avons fait en sorte de bien redresser la barre, et nous nous dirigeons actuellement vers un cap qui nous semble plus cohérent, plus sûr. On ne sortira probablement pas de jeu en 2023, mais progressera énormément dessus, on fera grossir l'équipe, et on mettra en place tout ce qu'il faut pour sortir le meilleur jeu possible en 2024.

État : en cours.

Cities of Heksiga

Qui dit studio de jeu vidéo dit forcément jeu vidéo. Ça n'est pas vraiment un secret (même si j'en ai peu parlé), nous travaillons depuis un peu plus d'un an sur un jeu que nous appelons actuellement Cities of Heksiga. C'est un jeu de stratégie solo, pour PC et mobile, qui se déroule dans un univers de Fantasy Steampunk. C'est en quelque sorte un jeu de plateau numérique, à la Terraforming Mars par exemple, qui mélange deck building (améliorer un deck de carte au fil de la partie en acquérant des cartes de plus en plus fortes ou synergiques) et pose de tuiles sur un plateau. Je ne vous en dit pas plus pour le moment parce qu'on a encore beaucoup de choses à stabiliser, mais ça viendra bien assez tôt. Sachez qu'on vise actuellement une sortie pendant la première moitié de 2024.

Sur ce jeu, je suis responsable de la programmation (le jeu est codé avec des technologies du Web, en TypeScript, avec une interface qui utilise Svelte) mais aussi du game design, c'est-à-dire de la conception des mécaniques du jeu. Alexis quant à lui est responsable de la direction artistique, de la création de tous les assets graphiques, et de la narration du jeu. Nous sommes également accompagnés par Aurélie, qui créé la musique et tous les effets sonores qui viennent embellir l'expérience.

En 2022 j'ai travaillé sur plusieurs prototypes du jeu (j'en compte au moins une douzaine d'après notre documentation), itérant chaque fois sur les mécaniques centrales du jeu pour trouver une formule qui fonctionne. J'ai fait quelques prototypes papier, mais je suis rapidement passé sur des versions numériques, parce que nos mécaniques impliquaient tout un ensemble de calculs et d'actions automatiques difficiles à effectuer manuellement.

Capture d'écran du prototype de Cities of Heksiga au 12 janvier 2023

Le prototype de Cities of Heksiga au 12 janvier 2023

J'ai également travaillé sur des outils, notamment un outil de gestion du contenu du jeu : j'ai une interface très simple qui me permet de créer rapidement un nouveau bâtiment, ou de mettre à jour un bâtiment existant, puis d'exporter ça en un seul clic. Le fait que nous utilisions des techno Web me permet d'être très efficace là-dessus, et j'ai bon espoir de mettre en place un workflow de game design aux petits oignons d'ici quelques mois.

Fin 2022, nous terminons, enfin mais difficilement, notre phase de prototypage. C'est-à-dire que nous avons consolidé les mécaniques centrales du jeu, que nous les avons validées (bon, pas vraiment, mais c'est en cours et j'ai confiance) et que nous pouvons maintenant passer à la suite : créer une vraie démo qui déchire, et étoffer doucement le jeu en ajoutant de nouvelles mécaniques et du contenu.

Comme je l'ai dit dans la partie précédente, nous avons passé trop peu de temps à travailler sur ce jeu cette année. Mais ça a présenté un avantage : nous avons eu le temps de le faire tester, de prendre des retours posés et construits sur les forces et les faiblesses de nos différents prototypes. Au final, nous avons pu identifier des problèmes fondamentaux et les corriger, ce qui aurait été plus difficile si nous avions eu plus la tête dans le guidon. Un mal pour un bien !

En 2023, Cities of Heksiga devrait vraiment prendre forme, et passer d'un prototype à une véritable démo, puis à une vertical slice, une version représentative de ce que nous voulons que le jeu final soit. Nous prévoyons actuellement de sortir le jeu dans la première moitié de 2024.

État : en cours.

Projets secondaires

Souls

Souls, mon jeu de cartes compétitif en ligne, a fait une grosse pause en 2022. Au milieu de tout le reste, je n'ai tout simplement pas eu le temps de me remettre dessus. Mais tout mon travail à côté a pour objectif de monter en compétence et de créer un contexte dans lequel il sera possible de faire de Souls un succès. Donc quelque part, ça avance quand même !

État : en pause.

Board Game Jam 2

Voici mon gros projet secondaire de ces derniers mois : l'organisation d'une Jam de création de jeux de plateau. C'est une idée que mon ami Aurélien et moi avions depuis trèèèès longtemps, qui s'est enfin concrétisée début 2020 via l'association Game Dev Party… mais qui s'est fait couper en plein milieu par l'annonce du premier confinement. Je suis donc très heureux d'avoir enfin pu mener une vraie Board Game Jam jusqu'au bout !

Mais qu'est-ce que c'est que ce truc, me demandez-vous ? Une Jam, c'est un événement de création, initialement de jeu vidéo, en équipe, en général sur un week-end. On réunit une cinquantaine de personnes dans un même lieu physique, ils se répartissent en groupes et passent leur week-end à créer de toutes pièces, depuis zéro, un jeu vidéo. À Lyon, l'association Game Dev Party a fait de l'organisation de ces événement sa spécialité depuis 2011 — et j'en suis membre organisateur depuis 2012. Une Board Game Jam, c'est le même principe, mais pour les jeux de société.

La table de matériel mis à disposition des participant⋅e⋅s

L'événement a eu lieu mi-janvier, et s'est soldée par une franche réussite : environ 40 participant⋅e⋅s pour 9 jeux créés pendant le week-end. Le week-end s'est déroulé sans accroc majeur (oublions les quelques couacs techniques du dimanche soir), les gens avaient l'air heureux, et les jeux produits étaient incroyablement engageants et variés.

Je suis particulièrement ravi de cette formule. Travailler sur un jeu vidéo présente un réel challenge technique : il faut programmer, il faut illustrer, il faut sonoriser… Le temps d'itération est relativement long, entre le moment où on a une idée et le moment où on peut réellement la tester, clavier, souris ou manette en main. Avec le jeu de société, ce temps d'itération est très largement réduit. Une nouvelle idée de carte ? Un bout de papier, un crayon, et hop, la carte est créée et prête à être testée.

C'était épuisant de porter cet événement, mais je suis fier de ce qu'on a réalisé, et je compte fortement sur d'autres personnes pour organiser de nouveaux événements de ce type. Parce que c'est quand même super frustrant de voir tous ces gens créer des jeux et de ne pas participer !!!

État : terminé.

Blog

Je me note donc, pour mon moi du futur, de faire attention à rester ouvert : c'est éprouvant d'avancer sans que rien de concret ne « sorte », sans avoir la satisfaction d'avoir terminé quelque chose. Alors, Adrian de 2022 : n'oublie pas de parler de ce que tu fais, de montrer tes avancées, même si c'est moche, même si ça marche mal, parce que ça te donnera la sensation de progresser, et que ça t'aidera beaucoup !

Raté ! Je n'ai publié que deux articles en 2022 : How I did my market research on Steam [en] en mars puis Starting a Games Studio [en] en août. Ce dernier a été un énorme travail, que j'ai fait sur plusieurs mois, mais ça reste très insuffisant pour moi. Heureusement, j'ai quand même partagé mon travail, mais ailleurs : sur un serveur discord qu'on utilise pour les playtests de notre jeu, et au sein de l'incubateur Let's GO. Je n'ai pas ressenti le besoin de plus écrire, même si ça reste un objectif que j'aimerais tenir un jour. J'ai beaucoup appris de gens qui ont partagé leurs expériences avant moi, et je souhaite rendre ce service moi aussi. C'est dans cette démarche que j'ai écrit ces deux billets, mais je pense que je peux en faire plus.

Allez, objectif pour 2023 : 6 billets dans l'année, soit un tous les deux mois !

Mes recommandations de l'année

Pour conclure ce billet, j'ai envie de faire un truc nouveau : vous recommander quelques œuvres culturelles qui m'ont marquées cette année.

Mon jeu vidéo de l'année

Sans conteste, c'est Planet Crafter qui a été mon jeu de 2022. On y mélange survie, exploration et construction de base sur une planète inhabitable, et notre objectif est de la terraformer. Le jeu est en early access, mais son contenu est déjà énorme, et les mises à jour ont toutes été très bénéfiques. J'ai pris quelques grosses claques en découvrant certains lieux, j'ai passé des heures à me construire une belle base, la progression est excellemment maîtrisée, il y a toujours quelque chose à faire, bref : je vous recommande de jouer à Planet Crafter !

PS : j'ai découvert via le CanardPC de janvier que les créateurs de Planet Crafter sont un couple de Toulousains. Ils ont fait ce jeu à deux. C'est très impressionnant. :-)

Mon jeu de plateau de l'année

J'ai été conquis par Terraforming Mars: Expédition Arès. Ce mélange des cartes du merveilleux Terraforming Mars original avec la mécanique d'actions partagées de Race for the Galaxy a complètement fait mouche chez moi. C'est tout ce que j'aime : de l'engine building pur, avec de la planification, un poil de bluff, et juste ce qu'il faut de ressources. C'est accessible, et ça se joue (relativement) vite, entre 1h et 1h30.

Ma BD de l'année

Je décerne le prix de la BD de l'année à Bolchoï Arena, de Boulet et Aseyn. Le tome 1 date de 2018, mais je n'ai découvert la série qu'en 2022 à l'occasion de la sortie du tome 3 — pour une série prévue en 5 livres. Dans cette histoire de Science Fiction, on suit les pérégrinations d'une jeune femme dans le Bolchoï, monde virtuel en ligne particulièrement gigantesque qui reproduit à l'identique l'univers connu. Jusqu'à, bien sûr, qu'il se passe des trucs de ouf qui posent des tonnes de questions. On y retrouve de l'aventure, de l'exploration, de la géopolitique, des questions existentielles sur le rapport aux mondes virtuels, et bien plus mais je peux pas dire quoi pour pas spoiler. J'ai très très hâte de lire la suite, les trois premiers tomes sont excellents !

Mon livre de l'année

Andy Weir, auteur du livre de SF The Martian, qui a été adapté au cinéma dans un film éponyme avec Matt Damon (très bonne adaptation soit dit en passant), a sorti deux autres livres : Artemis et Project Hail Mary. Si Artemis est une lecture très agréable, Project Hail Mary a été une claque monumentale. Le personnage principal cynique à souhaite, la narration par flashbacks qui fait monter la compréhension et les enjeux, et un incroyable twist au milieu du livre qui change complètement la donne : j'ai adoré ce livre, et je ne peux que le recommander à tout le monde, c'est une merveille.

Conclusions sur l'année 2022

2022 fût une année encore plus éprouvante que ce que j'avais prévu. Mais j'ai énormément appris, sur beaucoup de choses. J'ai été tour à tour programmeur, game designer, producer, entrepreneur, recruteur, organisateur… Ça fait beaucoup pour un seul homme, c'est épuisant, mais je ne regrette pas ! Dans tout ça, j'ai tout de même vraiment réussi à me préserver, à ne pas me surcharger de travail, à prendre de (longues) vacances, et c'est une très bonne chose. Je ne suis pas cramé, j'ai encore plein d'énergie pour 2023, et je suis confiant sur l'avenir.

Bonne année 2023 à vous toutes et tous, chères lectrices, chers lecteurs, et merci de tout cœur de me suivre dans ces aventures !